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la demoiselle de morgain.

de plaisir et d’amour. Souvent elle baisse sa guimpe ou détache un nœud de sa robe, pour laisser voir tantôt son gracieux visage, tantôt la blancheur de son cou. Elle chante des lais bretons, des rotruenges aux gais refrains ; sa voix était haute et claire, elle parlait breton aussi bien que français. Comme ils traversaient de riants ombrages : « Voyez, dit-elle, l’agréable verdure : sire chevalier, ne trouvez-vous pas qu’il y aurait honte à qui passerait seul avec une belle dame, sans faire quelque pause ici ? » Lancelot répondait à peine et sans la regarder, mal satisfait de telles paroles. Et comme elle continuait : « Demoiselle, dit-il, parlez-vous sérieusement ? — Oui. — En vérité, je ne croyais pas qu’une pucelle eût osé jamais dire à chevalier inconnu ce que lui-même eût rougi de lui dire. — Il peut cependant arriver qu’un chevalier beau, sage et craintif, voyageant seul avec une belle dame, n’ose la prier d’amour : alors la dame, qui devine sa pensée, peut fort bien le prévenir et lui dire ce qu’il craindrait d’avouer. S’il n’y veut entendre, j’estime que pour ce défaut de courtoisie il mérite d’être blâmé dans toutes les cours du monde. Et comme je sais que vous êtes preux et loyal autant que je suis jeune et belle, il semble à propos de nous arrêter dans ce beau lieu