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lancelot du lac.

feuillages. Dès, qu’ils arrivèrent, on établa les chevaux, on désarma les chevaliers : les tables étant dressées, Aiglin s’étonna de ne pas voir la dame : « Elle s’est enfermée dans ses chambres, répond le châtelain, pour y mener le plus grand deuil du monde. » En courtois maître de maison, l’oncle d’Aiglin faisait tous les honneurs possibles à messire Yvain, à Galeschin, à tous leurs compagnons. Aiglin alla d’abord à la chambre de sa tante, et lui voyant les yeux rouges et gonflés, la voix rauque et brisée à force d’avoir crié : « Qu’est-ce donc, lui dit-il, êtes-vous affligée de notre délivrance ? — Je songe à ce qui m’attend, non à ce qui vous arrive. Oh ! combien de femmes sages et loyales vont perdre de leurs avantages ! Autant votre Lancelot vous a fait de bien, autant il nous a fait de mal.

« — Toutefois, reprend Aiglin, le dommage d’une femme n’est pas à comparer à la délivrance de deux cent cinquante-trois chevaliers. — Taisez-vous, beau neveu : s’ils étaient perdus, ne devaient-ils pas s’en prendre à leur folie ? n’avaient-ils pas la récompense de leur déloyauté ? » Tout en se débattant ainsi, elle céda aux prières d’Aiglin des Vaux et consentit à venir prendre sa place au festin. Mais elle mangea peu et se retira bientôt en exigeant qu’on ne la suivît pas.