Page:Paris, Paulin - Romans de la Table Ronde, tome 4.djvu/271

Cette page a été validée par deux contributeurs.
264
lancelot du lac.

un châlit garni de paille rude et noueuse. Gauvain pouvait s’y étendre, mais non s’y tenir à demi levé, car la niche n’avait pas trois pieds de haut. On lui apportait chaque jour sa faible ration de pain et d’eau ; une légère couverture le défendait seule du froid glacial de cette chartre bassement voûtée et peuplée de puants reptiles. C’était un sifflement aigu et continuel de vipères et de couleuvres qui, sentant la chair humaine, se roulaient, se dressaient à l’envi contre le pilier. Plus d’une fois il fut tenté de descendre du lit et de se donner en pâture à ces horribles bêtes ; mais la honte d’une telle mort le retenait, la crainte aussi de perdre son âme. C’eût été volontairement sacrifier le corps que d’en faire le régal de pareils convives ; il jugea donc que mieux valait souffrir que désespérer. Ainsi passa-t-il la nuit. Le venin gagna ses jambes, ses bras, son visage vingt fois il s’évanouit, incessamment menacé ou surpris par les couleuvres qu’il repoussait des pieds et des mains.

Or, dans une autre partie du château se trouvait une demoiselle aimée de Karadoc. Elle le détestait pour l’avoir enlevée à son premier ami, chevalier preux et courtois qui avait été tué en voulant la défendre. Elle était longtemps restée chez la dame de Blancastel, et c’est elle dont cette dame, ainsi que nous avons