Quittons un instant Lancelot, pour voir ce que devient messire Gauvain.
LXXVII.
près l’avoir retenu dans ses bras
pendant une lieue, Karadoc lui avait
fait ôter ses vêtements pour le lier
étroitement sur le dos d’un roncin : deux forts sergents le battaient de menues
courroies, et faisaient jaillir son généreux sang de toutes tes parties de son corps. Il souffrit
sans exhaler la moindre plainte : seulement, il pensait au chagrin que son oncle et ses compagnons
ressentiraient en apprenant sa mésaventure.
Arrivés dans la Tour douloureuse,
Karadoc le fit délier pour l’abandonner à sa
mère : « Ah Gauvain ! s’écria la vieille en le voyant, je te tiens donc ! Je puis donc te demander raison du meurtre de mon cher frère que tu as occis en trahison — Je n’ai jamais fait de trahison. — Tu mens ; comment sans trahison aurais-tu mis à mort un chevalier qui valait cent fois mieux que toi ? »
Quand Gauvain s’entend deux fois accuser de
trahison, il oublie de rage tous ses autres
maux : « Tu mens toi-même, dit-il, méchante sorcière, et si l’infâme géant qui m’a surpris désarmé ose soutenir ton mensonge, je