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lancelot du lac.

Le Val était de grande étendue, environné de hautes montagnes, couvert d’un riant tapis de verdure. Au milieu jaillissait une belle et claire fontaine. La clôture en était merveilleuse ; c’était en apparence une muraille épaisse et élevée, en réalité ce n’était que de l’air. On entrait sans trouver et sans supposer le moindre obstacle ; mais une fois entré, on ne songeait pas même qu’il y eût un moyen d’en sortir. Le charme durait depuis dix-sept ans ; déjà deux cent cinquante-trois chevaliers en avaient éprou-

    vice divin. Deux portes y étaient pratiquées : l’une descendait dans le val, l’autre conduisait à un tertre, de façon que ceux qui remontaient le val pour entendre la messe ne se réunissaient pas aux passagers du dehors qui arrivaient au tertre dans la même intention. Le prêtre n’avait aucune communication avec les assistants dont une cloison le séparait. C’est à partir du chœur de la chapelle que Morgain avait jeté son enchantement pour retenir dans le val tous les faux amants. Et sur le tertre était une croix avec des lettres qui disaient : « Chevalier errant qui passes ici cherchant les nobles aventures, prends des trois chemins celui qu’il te plaira : Si tu veux esquiver les fortes aventures va à droite, tu arriveras en Sorelois. La voie du milieu conduit à la Tour douloureuse ; celle de gauche au Val sans retour, dont nul faux amant ne doit espérer revenir. Celui qui méritera d’en sortir pourra seul achever l’aventure de la Tour douloureuse, et ramener à terre les deux amants qui chastement s’aimèrent. » (Manusc. 337, fo 187 vo.)