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lancelot du lac.

Il pressa les pas de son cheval et s’engagea seul dans le Val redouté.

On l’appelait tantôt le Val sans retour, tantôt le Val des faux amants, et voici comment il avait commencé. On sait que Morgain, la sœur du roi Artus, eut plus qu’aucune autre le secret des charmes et des enchantements : elle avait tout appris de Merlin. Pour mieux se rendre la science familière, elle avait laissé la compagnie des hommes et s’était enfoncée dans les grandes forêts ; si bien que maintes gens ne la croyant plus une femme l’appelaient Morgain la fée, et même Morgain la déesse. Elle avait longtemps mis son amour et son cœur dans un chevalier dont elle se croyait uniquement aimée ; mais il la trompait, en lui préférant une demoiselle de grande beauté, qu’il ne voyait que rarement, tant était grande la jalousie et la clairvoyance de Morgain. Un jour cependant, ils étaient convenus de se rencontrer au fond de ce val, le plus riant, le plus beau qu’on puisse imaginer. Morgain fut avertie, elle courut et les surprit comme ils se donnaient les plus tendres témoignages d’amour. Peu s’en fallut qu’elle n’en mourût de douleur ; mais revenant bientôt à elle, elle jeta sur le val un enchantement dont la vertu était de retenir à toujours tout chevalier qui aurait fait à son amie la moindre infidélité d’action ou de pensée : son ami