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lancelot du lac.

était parvenu à lui rendre la liberté. Mais pour prix d’un si grand service, il avait contraint son seigneur suzerain de jurer sur les saints et de faire jurer aux hommes de sa terre qu’on lui accorderait un don. Le seigneur était bien loin de prévoir à quoi il s’engageait. L’autre demanda pour prix de la rançon le tiers de la terre : et des hommes de la terre, pour avoir délivré leur seigneur[1], il réclama le droit de prendre chaque année un de leurs fils, une de leurs filles, qu’il faisait conduire et enfermer dans ce château. Voilà comment nombre de jeunes valets, nombre de belles et sages pucelles ont ensemble perdu l’honneur et la liberté. Et comme cet indigne vilain prévoyait que bien des prud’hommes tenteraient d’abattre une si mauvaise coutume, il exerçait chaque jour à l’escrime ses trois fils, pour les mieux préparer à résister à quiconque essaierait de délivrer leurs victimes.

« — Mais, dit le duc, quel intérêt aviez-vous, demoiselle, à voir tomber cette coutume ? — Une mienne nièce, à peine âgée de douze ans, avait été, pour sa grande beauté, choisie

  1. La loi féodale imposait aux hommes de la terre dont le seigneur avait été fait prisonnier, le devoir de le racheter au prix de tout ce qu’ils possédaient. Ils étaient donc tenus envers celui qui les déchargeait de cette obligation.