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séjour en sorelois.

fin, si le roi Artus vient à répudier celle qu’il a épousée, ne sera-t-elle pas en votre garde à vous ? — Sire, sire, répond Lancelot, sachez bien que si le cœur de ma dame en est à malaise, le mien ne sera pas en bon point. — Je l’entends bien ; mais la reine étant aussi vraie de fond que d’apparence, elle aimera mieux, je pense, vivre avec vous dans une humble retraite, qu’être sans vous reine du monde entier. Écoutez-moi, doux ami : si la reine est séparée de son droit époux, je lui réserve le plus beau royaume des îles de Bretagne, le Sorelois. Vous pourrez alors vivre l’un pour l’autre, et vous n’aurez plus rien à craindre pour vos amours. Voulez-vous plus encore ? qui vous empêchera de prendre en loyal mariage la plus belle et la mieux enseignée dame de la terre. — Tel serait le plus cher de mes souhaits, mais je prévois le chagrin que ma dame en ressentira. Si le roi Artus venant à croire qu’il a été trompé, tentait de mettre en jugement la reine, elle n’aurait assurément rien à craindre, tant que nous serions là ; mais, cher sire, ne vous avais-je pas déjà causé assez d’ennuis ! Combien vous auriez droit de me haïr, moi qui vous ai conduit à fléchir devant celui qui allait s’incliner devant vous ; et vous ai par là détourné de la conquête du monde ! »