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gauvain et segurade.

tomber leurs bras, et semblent garder à peine la force de retenir leurs écus. Ce temps d’arrêt fut court ; tels que deux lions furieux, ils reviennent l’un sur l’autre, et rassemblent dans un dernier effort tout ce qui leur reste de vigueur. Aux approches de midi, messire Gauvain se contente de la défensive ; l’ardeur de Segurade s’en accroît. Il était, on le sait, dans la destinée de Gauvain de n’avoir plus aux approches de midi que la valeur d’un guerrier ordinaire : mais une fois le soleil au milieu de sa course il se ranimait et déployait la vigueur de deux hommes. Segurade s’en aperçut bientôt : comme il pensait l’avoir outré, le voilà qui reçoit des coups terribles, et se voit, à son tour, rudement mené. Ce n’est plus un homme, c’est un démon auquel il croit avoir affaire : il se garde, il se dérobe ; c’en est fait, l’invincible sera vaincu ; adieu sa renommée, adieu la conquête de la dame qu’il aime. Le sang perdu, les blessures ouvertes, le soleil ardent tombant à plomb sur son heaume décerclé, tout rend sa défaite inévitable. Il recule, il se roule, il se dérobe efforts inutiles, un coup suprême le fait tomber sur les mains, et quand il essaye de se relever, Gauvain lui pose un genou sur la poitrine, délace son heaume et du pommeau de son épée le frappe au front, au visage. « Merci ! crie-t-il. — Avouez donc que vous êtes conquis