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lancelot du lac.

Quand il est monté, Hector lui tend l’écu, le sénéchal la lance. Il passe dans l’enceinte fermée ; Segurade y entre de l’autre côté. Alors, ils se mesurent des yeux, prennent du champ et se rapprochent ; l’écu serré sur la poitrine, et lance sur feutre[1]. Les chevaux sont lancés ; les glaives éclatent dès le premier choc. Gauvain et Segurade reviennent l’un sur l’autre, s’étreignent et tombent ensemble si lourdement qu’en les voyant immobiles on les eût crus mortellement atteints. Segurade se dégage, se redresse, met la main à l’épée, passe son bras dans les enarmes[2] de son écu, et revient sur Gauvain au moment où il se relevait. Ce fut alors un échange de coups d’estoc et de taille. Ils fendent, écartèlent et découpent leurs écus ; ils faussent les heaumes, et font pénétrer la pointe de l’acier dans les hauberts. Telle est la sûreté de l’attaque, la vigueur de la défense, qu’on ne sait à qui des deux donner l’avantage. Enfin, cédant à la même fatigue, ils laissent

  1. Le feutre était une forte pièce de cuir fixée au côté gauche, où venait poser l’extrémité du bois de lance.
  2. Il faut distinguer l’enarme ou les enarmes de la guiche. L’enarme était la bande de cuir ou le rouleau de bois cloué au revers de l’écu, pour permettre d’y passer le bras. Il semble avoir la même origine que les arms (bras) des Anglais.