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lancelot du lac.

se hâta d’écrire en parchemin ; car elle avait été mise aux lettres. Puis elle parut céder aux désirs de Merlin ; mais, toutes les fois qu’il venait vers elle, elle lui posait deux noms de conjuration sur les genoux ; il s’endormait et perdait tout moyen de lui ravir le doux nom de pucelle. Quand venait le point du jour et qu’elle l’éveillait, il croyait avoir obtenu tout ce qu’il avait désiré ; car ce qu’il tenait de sa nature d’homme le laissait exposé aux mêmes méprises que nous autres, et la dame n’eût pu le tromper s’il avait été tout à fait démon. Les démons, on le sait, veillent toujours ; ils ne connaissent pas le sommeil, et c’est un de leurs plus grands supplices.

Enfin la dame apprit encore tant de choses de Merlin qu’elle finit par l’enfermer dans une grotte de la périlleuse forêt de Darnantes, qui confine à la mer de Cornouaille et au royaume de Sorelois. Depuis ce temps Merlin ne fut plus jamais vu, et personne ne put dire l’endroit où il était retenu.

Or la dame qui trompa Merlin fut celle qui venait d’emporter Lancelot dans le lac ; jamais, on peut le dire, mère ne fut plus tendre et ne donna plus de soins à son enfant. Elle n’était pas isolée dans le séjour qu’elle avait choisi ; chevaliers, dames et demoiselles lui faisaient compagnie. D’abord elle s’enquit d’une bonne nourrice, et, quand l’enfant fut en âge de s’en