Giflet, messire Yvain veulent venger leurs compagnons : ils sont comme eux abattus, et privés de leurs chevaux. Messire Gauvain, tout en admirant la prouesse du chevalier du Pin, ne vit pas sans un violent chagrin la mésaventure de ses amis. « À Dieu ne plaise, dit-il, que je ne les venge ou ne partage leur sort ! » Il empoignait un glaive et allait brocher des éperons, quand il voit sortir de la forêt un gros nain bossu, monté sur un énorme cheval à selle dorée : il portait sur l’épaule une forte gaule[1] de chêne nouvellement coupée : « Attendez, sire, dit Giflet à messire Gauvain, voyons ce qui va arriver. » Le nain s’arrête devant la fontaine, se dresse sur la selle et, de la gaule qu’il tient à deux mains, frappe à coups redoublés le chevalier, qui reprend avec le nain le chemin de la forêt, sans essayer de résister.
« Je n’ai rien vu dans ma vie d’aussi étrange, dit messire Gauvain. Jamais tel prud’homme ne fut maltraité par une si vile pièce de chair. Je veux savoir quel est ce chevalier. — Avant tout, fait le sénéchal, veuillez, messire Gauvain, penser à nos chevaux et nous les renvoyer si vous les rejoignez ; autrement nous sommes condamnés à rester ici. » Gauvain fait un signe de consentement, détache un des freins
- ↑ Un bleteron, mss. 776, fo 116 ; et 1430, fo 76.