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lancelot du lac.

sortir le premier des rangs, et de là mon surnom de Desréé[1]. — Sagremor a le droit pour lui, » disent en riant les autres.

Keu cède en murmurant, et Sagremor arrive devant la fontaine : « Beau sire, dit-il, quatre chevaliers arrêtés à l’entrée de la plaine désirent savoir qui vous êtes, et pourquoi vous passez ainsi du deuil à la joie. — Beau sire, répond l’autre sans le regarder, vos quatre chevaliers

  1. « Par mon chief vous n’irés pas, mès je irai ; car vous savez bien que li derroi de la maison le roi Artus sont mien, et por ce ai-je nom Desréé. » (Msc. 1430, fo 75, vo.) C’était un surnom que Sagremor avait mérité, parce que, dans les grandes assemblées ou dans les tournois, il sortait le premier des rangs, et ne réglait jamais ses mouvements sur ceux des autres. Le sens de desréé est justifié par un passage de la partie inédite du livre d’Artus : « Lors commence à approcher li conroi li uns à l’autre. Et Sagremor desrenge tout premiers à l’Amirant Monys, un Saisne orgueilleux. Et quant si compaignon le voient aler, si dient : C’est Sagremor li desréés, bien est drois qu’il ait la première jouste. » (Msc. 337, fo 144, vo.) – Le nom, voit-on dans le même livre d’Artus, lui avait été donné au retour de la dernière bataille livrée aux Saisnes. Après s’être trop avancé dans les rangs ennemis il avait été abattu et eût été retenu prisonnier, si Gauvain n’était venu le délivrer. La vieille reine de Vendebiere avait alors dit : « Il ne pourra longuement vivre ; jamais chevalier n’a mieux mérité le nom de desréé. » Depuis ce temps on ne l’avait plus appelé autrement, et il ne le trouvait pas mauvais.