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lancelot du lac.

Aux loges était la reine avec ses demoiselles, puis, au fond de la tourelle, monseigneur Gauvain, condamné au repos par ses récentes blessures. Bientôt le Roi-premier conquis pousse dans le gué son cheval pour avoir l’honneur du premier coup ; le Chevalier vermeil, appuyé sur son glaive, ne semble pas songer à le recevoir. Alors les hérauts, les goujats de la partie des Bretons, se demandent que vient faire un fervêtu si peu pressé de combattre. « Chevalier ! crient-ils, ne voyez-vous pas le Roi-premier conquis ; n’irez-vous pas à lui ? » Il ne les entend pas. Un ribaud plus insolent s’approche, détache l’écu et le passe à son cou, sans que notre chevalier ait l’air de s’en apercevoir. Un autre se baisse, prend une motte de terre mouillée et la lance sur le nasal du heaume, en criant : « À quoi songez-vous, fainéant ? »

L’eau pénétrant dans les yeux, le Bon chevalier reprend ses esprits et voit le Roi premier conquis, comme il touchait la rive bretonne. Il pousse à lui, lance baissée, et reçoit la première atteinte : mais, à défaut de l’écu, le haubert était de bonne trempe et ne fut pas entamé. Le roi brisa sa lance contre les mailles, et, plus vigoureusement touché, tomba lourdement à terre. Ce premier coup étonna grandement les hérauts qui avaient d’abord si mal jugé du Bon chevalier ; et celui qui s’était emparé de l’écu revenant