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le chevalier à la bretèche.

— « Vous l’avez dit. » Le châtelain resta un temps sans parler. Enfin : « Sire, dit-il, sortez d’ici ; j’aime mieux le navré que le mort. »

Le bon chevalier partit avec sa demoiselle et les écuyers. Mais bientôt il voit accourir le maître de la bretèche, entièrement armé. « Chevalier, dit-il, j’aime mieux le mort que le navré. Je ne pouvais refuser le don que je vous avais promis, pour le temps où vous seriez mon hôte ; mais nous sommes en pleine campagne. »

Notre chevalier veut inutilement l’apaiser. Ils prennent du champ ; la rencontre est assez rude pour que tous deux vident les arçons et soient jetés sous le ventre de leurs chevaux. Ils se débarrassent, jettent leurs écus, brandissent les épées et se frappent à coups redoublés. Le maître de la bretèche perd le premier de ses forces ; il recule : l’autre, tout en le tenant de court, le prie de reconnaître qu’il aime mieux le navré. « À Dieu ne plaise que je démente ce que j’ai dans le cœur ! » Le bon chevalier le ménage moins ; le fait reculer jusqu’à la rive, et le prie encore d’accorder e qu’il lui demande. « Jamais ! » D’un dernier coup il l’étend à terre ; il appuie un genou sur sa poitrine, il délace son heaume : « Vous pouvez encore sauver votre vie. — Plutôt mourir ! » Pour ne pas l’achever de son épée, le bon chevalier le saisit, le soulève et