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le beau valet.

à genoux, muet, les yeux baissés. Messire Yvain vit bien qu’il fallait parler pour lui : « Madame, voici le valet que le roi fit hier chevalier ; il vient prendre congé de vous. Comment ! il nous quitte déjà ! — Madame, il a été choisi pour le secours de la dame de Nohan. — Oh ! le roi n’aurait pas dû le désigner ; il n’a déjà que trop entrepris. — Assurément ; mais monseigneur le roi n’a pu refuser le premier don de nouvel adoubement. »

La reine alors le prit par la main : « Relevez-vous, beau sire : je ne sais qui vous êtes ; peut-être d’aussi bonne ou de meilleure race que nous, et je suis vraiment peu courtoise de vous avoir souffert à genoux devant moi. — Madame, répond-il à demi-voix, pardonnez la folie que j’ai faite. — Quelle folie ? — Je suis sorti du palais avant de vous en demander congé. — Oh ! bel ami, à votre âge, il est permis de commettre un aussi gros méfait. — Madame, si vous y consentiez, je me dirais, à compter de ce jour, votre chevalier. — Assurément je le veux bien. — Madame, grand merci ! Maintenant je vous demande congé. — Je vous le donne, beau doux ami ; à Dieu soyez-vous recommandé ! »

La reine en disant ces derniers mots lui tend la main, et, quand cette main vient à toucher sa chair nue, il ne sent plus, à force de trop sentir.