Page:Paris, Paulin - Romans de la Table Ronde, tome 2.djvu/385

Cette page a été validée par deux contributeurs.
378
LE ROI ARTUS.

parence des vingt-deux ans qu’il avait réellement : grand, bien fourni des bras et des épaules. Il lui fallut quitter ses armes, qui n’étaient plus faites pour lui. Qu’on se représente les transports de joie de la demoiselle. Elle court à lui les bras tendus, elle le baise plus de cent fois, puis ils reprennent leur marche, riant, chantant, faisant la plus grande fête du monde. « Dieu, » disaient-ils, « envoie bonne aventure à monseigneur Gauvain, qui nous souhaita joyeuse journée ». Le chemin les ramenait à la demoiselle que Gauvain n’avait pas saluée. Mais nous, au lieu de les suivre, voyons ce que devenait monseigneur Gauvain.

Il ne chevauchait pas seul depuis un quart d’heure, quand il sentit les manches de son haubert lui descendre sur les mains et les pans tomber deux pieds plus bas que les talons. Son heaume ne tenait plus sur sa tête et semblait toucher à peine ses cheveux. Ses deux pieds laissèrent les étriers pour remonter jusqu’aux flancs de la selle ; l’écu, auparavant posé sous son cou, s’élevait maintenant de deux paumes au-dessus de sa tête. Son épée traînait jusqu’à terre, et les renges en étaient devenues si grandes et si longues qu’il reconnut avec douleur qu’il avait perdu sa première forme pour prendre celle d’un nain. « Eh quoi ! » se dit-il à lui-même, « est-ce là ce que