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MERLIN.

que vous aviez peur de concevoir[1]. Il vous rassura en promettant de tenir note des jours où il vous verrait, pour savoir lui-même au juste si l’enfant serait à lui, non à quelqu’autre dont il avait soupçon et qui n’était pas votre mari : avant cela, vous viviez séparée de votre baron. — Ah ! mon fils, » interrompit la mère, « pourriez-vous croire de pareilles vilenies, de la bouche de l’Ennemi ! — Si vous le niez, » reprit Merlin, « je vous dirai autre chose : quand vous avez reconnu votre grossesse, vous avez averti le prouvaire ; il alla trouver votre seigneur, et fit tant qu’il vous réconcilia ; vous avez passé la nuit avec votre baron, si bien que le prud’homme ne douta plus que l’enfant ne fut sien. Ainsi les choses se passent en maint autre lieu. »

Ces dernières paroles confondirent la femme du juge : elle ne trouva plus un seul mot à répondre. Et son fils s’adressant à elle : « Belle mère, » dit-il, « quel que soit mon père, je n’oublierai pas que je suis votre fils : dites donc la vérité. — Eh bien, » dit la mère, « je ne puis le cacher plus longtemps, la vérité est dans ce que l’enfant vient de dire.

« S’il en est ainsi, » dit le juge à Merlin, « je ne punirai pas dans ta mère le crime que je

  1. D’enchargier. — Prouvaire, prêtre, prébendier.