Page:Paris, Paulin - Romans de la Table Ronde, tome 2.djvu/345

Cette page a été validée par deux contributeurs.
338
LE ROI ARTUS.

« Dieu te fasse prud’homme ! » mots qu’il avait coutume de prononcer en armant tous les nouveaux chevaliers. — « Mais, sire roi, » dit la demoiselle, « ne ferez-vous rien de plus ? — J’ai fait, il me semble, tout ce que je devais. — Vous ne lui avez pourtant chaussé qu’un éperon ; que dois-je faire de l’autre ? — Vous le lui attacherez vous-même ; autrement il ne serait pas votre chevalier. — Demandez-lui donc s’il veut bien le permettre. — Je vous en prie, chevalier, » dit gracieusement Artus. — « Je l’accorde, » répond le nain, « mais pour l’amour de vous. »

L’éperon gauche attaché par la demoiselle, ils prirent congé du roi. On leva le nain couvert de ses armes sur le destrier, la pucelle remonta sur sa mule et donna congé aux écuyers qui les avaient accompagnés. Pour elle et le nain, ils entrèrent dans la grande forêt aventureuse, où notre conte les abandonne pour revenir au roi Artus.

Il s’entretint longtemps en riant de cette visite inattendue : les chevaliers de la cour ne comprenaient pas comment une si belle demoiselle avait pu donner son amour à une créature si laide et si chétive. « En vérité, dit la reine, je ne puis revenir de ma surprise. Il faut qu’il y ait là quelque fantôme qui lui trouble l’esprit — Non, » dit Merlin, « elle sait que le