Page:Paris, Paulin - Romans de la Table Ronde, tome 2.djvu/329

Cette page a été validée par deux contributeurs.
322
LE ROI ARTUS.

meilleurs amis, et deviens mon homme, pour désormais posséder en sécurité tes domaines. Autrement apprends que je n’aurai pas plus tôt détrôné Leodagan, que j’entrerai dans ta terre et prendrai de force jusqu’au dernier poil de tes joues. »

On peut concevoir le dépit et le courroux du roi Artus à la lecture de ces lettres ; toutefois il se contenta de répondre à celui qui les avait apportées : « Chevalier, prends congé quand tu voudras ; mais dis à ton maître qu’il peut être assuré de n’avoir de sa vie ma barbe. » Le chevalier remonta aussitôt et regagna le camp du roi Rion.

Cependant quel était ce bel harpeur breton auquel il ne manquait que l’usage de ses beaux yeux ? Il allait de rang en rang, le long des tables, et donnait à chacun des convives un son nouveau qui le ravissait de plaisir et d’admiration. Puis, s’étant rapproché du roi, qui l’avait vu bien souvent et pourtant ne le reconnaissait pas. « Sire, » lui dit-il, « je vous demande le prix de mon chant. — Vous l’obtiendrez, ami, si grand qu’il soit, sauf mon honneur et celui de ma couronne. — Je n’en veux à l’un ni à l’autre. Je demande seulement la faveur de porter votre bannière dans la prochaine guerre. — Oh ! » répond Artus, « cela touche à l’honneur de ma couronne.