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TRANSITION.

pourront bien étonner les lecteurs de notre temps, et colorer d’une rougeur passagère le visage des femmes qui viendraient à lire ces récits ou à les entendre. Mais il ne faut pas espérer de trouver au douzième siècle toutes les extérieures délicatesses du nôtre : les mots qui blessent la pudeur moderne sont aujourd’hui remplacés par d’autres mots qui parfois aussi auraient blessé la pudeur de nos ancêtres. Dans tous les cas, ils représentent des images qui n’ont, aujourd’hui même, rien de bien terrible. On l’a déjà remarqué plus d’une fois : ces mots, proscrits aujourd’hui, ne l’étaient pas dans les temps bibliques, ni dans notre moyen âge. Ce qu’on évitait, c’était une certaine complaisance à retenir la pensée sur les tableaux de l’amour partagé, dans l’intention de produire sur les sens une impression contagieuse. Ce tort, nos romanciers n’en sont pas entièrement innocents ; si je le prétendais, on ne manquerait pas de me citer le récit qui entraîna l’égarement de Françoise de Rimini ; on en pourrait citer d’autres encore. Mais au moins peut-on assurer que les scènes du genre de la première entrevue de Genièvre et de Lancelot, des amours d’Ygierne, d’Artus et du roi Ban de Benoïc, sont encore enveloppées d’un parfum de pure et naïve poésie.