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LA FAMILLE DU PRUD’HOMME.

être véritable, c’est la compagnie de ceux que nous aimons ; autrement, ce n’est pas vivre. Pour moi, j’aimerais mieux manquer de pain et sentir près de moi mon ami, que posséder sans lui toutes les richesses du monde. Le bonheur, c’est l’union de l’homme et de la femme. Et sais-tu, ma belle amie, pourquoi je te plains ? C’est que ta sœur, étant l’aînée, aura compagnie d’homme avant toi[1] ; elle voudra trouver la première un époux. Quand elle sera mariée, elle ne prendra pas soin de ton célibat, et tu perdras tout ce que tu devais justement attendre de tant de beauté.

« — Mais, » dit la jeune fille, « nous avions une autre sœur qui, pour avoir fait ce que vous conseillez, a subi une mort honteuse.

« Votre sœur avait manqué d’adresse : et si vous voulez vous confier à moi, vous arri-

  1. Si qu’encor de toi en cuira. Tel est le dernier vers conservé du poëme original de Boron. À la différence de la première partie qui est le Joseph, le Merlin ne nous a pas été conservé dans son intégrité. Mais, ainsi que nous avons dit, on le réduisit en prose, et les assembleurs l’adoptèrent comme partie intégrante et même nécessaire de leur cycle de la Table ronde. Nous suivrons donc maintenant, à défaut des vers de Robert de Boron, la réduction en prose, que tout porte à nous faire regarder comme fidèle.