passage jusqu’à la porte. Il tenait dans sa main une bannière merveilleuse : c’était le dragon dont la queue tortillée avait une toise et demie de long ; de sa gueule ouverte sortait une langue flamboyante et toujours agitée. « Ouvre la porte, » dit-il au portier. — « J’attendrai l’ordre du roi. — Ouvre, te dis-je, portier de male heure ! » Et, ce disant, il prend le fléau qui barrait la porte, le détache, tire à lui les deux battants, les ouvre aussi facilement que s’ils n’eussent pas été fermés d’une bonne serrure. Cela fait, il sort suivi des quarante soudoyers. Dès que le dernier a passé le seuil et que la porte s’est refermée d’elle-même, ils fondent sur les Saisnes[1] et reprennent la proie enlevée dans la campagne mais, voyant arriver une échelle de Païens beaucoup plus nombreuse et conduite par quatre de leurs rois, Merlin siffle ; un vent terrible soulève aussitôt la poussière, au point d’empêcher les Saisnes de rien distinguer devant eux. Artus
- ↑ Le romancier donne le nom de Saisnes aux peuples qui reconnaissaient Rion pour leur roi, aussi bien qu’aux Anglo-Saxons qui tenaient alors en échec les autres rois bretons. C’est ainsi que nos chansons de geste appellent Sarrasins les Lutis et les Esclas, c’est-à-dire les Slaves et les Lithuaniens. La plus puissante des hordes ennemies donnait son nom à toutes les autres. — Rion est tantôt nommé roi de Danemark, tantôt roi de la Terre aux géants.