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étaient aussi incapables de lire le breton que le latin. On n’apprenait à lire qu’en se mettant au latin, et c’est par la science de la lecture que les clercs étaient distingués de tous les autres Français, Anglais ou Bretons[1]. Admettez au contraire qu’au neuvième siècle un clerc ait eu la bonne pensée de marcher sur les traces du vénérable Bede, en inscrivant dans la seule langue alors littéraire les traditions vraies ou fabuleuses de ses compatriotes, les difficultés qui nous arrêtaient disparaissent. Cette chronique, rarement transcrite en basse Bretagne où elle était née, n’aura passé qu’au douzième siècle dans la Bretagne insulaire, par les mains de l’archidiacre d’Oxford : Geoffroy de Monmouth en aura reçu la communication, et, la supposant entièrement inconnue, il en aura

  1. Je ne prétends pas cependant nier que certaines traditions bretonnes n’aient été écrites même avant que l’on eût essayé d’écrire un livre français. Cela, pour ne pas m’être démontré, n’est pas impossible : les chefs bretons et leurs bardes peuvent avoir senti le besoin de consigner par écrit certains vers prophétiques, certaines listes généalogiques, certaines traditions locales et superstitieuses ; mais, si ces feuillets existaient au temps de Geoffroy, on peut assurer qu’il ne les a pas consultés et qu’il ne laisse supposer nulle part qu’il ait connu ces triades, ces poëmes gallois du cinquième au onzième siècle, dont on a fait tant de bruit et si peu de profit.