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même ligne que les Daniel et les Isaïe ; mais on admit, d’un côté, que le démon avait présidé à sa naissance, de l’autre, qu’il avait été purifié de cette énorme tache originelle par la piété, l’innocence et la chasteté de sa mère. C’est à Robert de Boron que nous croyons pouvoir accorder l’honneur de cette belle création de la mère de Merlin : pure, humble et pieuse, telle que la Vierge Marie nous est elle-même représentée. Fils d’un ange de ténèbres ennemi des hommes, Merlin aurait dû plutôt venir en aide aux méchants, aux oppresseurs de son pays ; il n’eût pas connu les secrets de l’avenir, car, ainsi que l’avait fait remarquer Guillaume de Newburg[1], les démons savent ce qui a été, non ce que l’avenir réserve. Mais la mère de Merlin, victime d’une illusion involontaire, ne devait pas être punie dans son fils. Dieu donna donc à Merlin des facultés supérieures qui, formant une sorte d’équilibre avec celles qu’il tenait de son père, lui permirent de distinguer le juste et le vrai, en un mot, de choisir entre la route qui descendait à l’enfer et celle qui montait au paradis. On pouvait donc, sans offenser Dieu, croire à ses prophéties, et la Bretagne pouvait l’honorer comme le plus zélé défenseur de son indépendance.

  1. Voyez plus haut, p. 65.