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LE SAINT-GRAAL.

et de piété, il s’établit entre eux un commerce de l’amitié la plus tendre et la plus pure. Peu de jours passaient sans qu’ils se visitassent l’un l’autre, si bien que les méchantes gens ne tardèrent pas à le remarquer pour en médire. « Le roi, » disaient-ils, « aime cette dame d’un fol amour, et l’on ne comprend pas que son mari n’en ressente aucun ombrage. » Le frère du châtelain lui dit un jour : « Comment souffrez-vous que le roi Lancelot vive avec votre femme comme il le fait ? Pour moi, je m’en serais depuis longtemps vengé. — Frère, » répondit le châtelain, « croyez que si je pensais avoir la preuve des intentions que vous prêtez au roi, je ne le souffrirais pas un instant. » Tant lui dit le frère que le mari demeura convaincu de son déshonneur. On était alors aux derniers jours de carême, et, la sainteté du temps ajoutant à la ferveur de la dame et du roi, ils se plaisaient mieux que jamais à ranimer mutuellement leur amour des choses spirituelles. Le jour du vendredi saint, le roi sortit pour aller visiter un ermitage situé au milieu de la Forêt Périlleuse, et entendre le service divin. Il n’avait avec lui que deux serviteurs. Il arrive se confesse reprend le même chemin, et bientôt, ayant soif, il s’arrête devant une belle fontaine et s’incline pour y puiser de l’eau. Le duc l’avait secrètement