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LE SAINT-GRAAL.

Pharan sortit de la nacelle en pleurant. Le vent aussitôt enfla la voile ; Pharan la suivit des yeux, tant qu’il put l’apercevoir dans le lointain ; puis il remonta sur son âne et retourna tristement à la chapelle, en songeant aux dangers de Pierre, au peu d’espérance qu’il avait de jamais le revoir.

Pendant quatre jours, la nacelle vogua rapidement sur les flots sans qu’elle parût approcher d’aucune terre. Le cinquième jour, Pierre, épuisé de faim, souffrant de lassitude, s’endormit. On était au temps des plus grandes chaleurs, et, pour être mieux à son aise, il avait à grand’peine quitté sa cotte et sa chemise, quand la nacelle s’arrêta devant une île dans laquelle, à peu de distance du rivage, s’élevait un grand château, demeure ordinaire du roi Orcan. C’était, au jugement des païens, un des plus forts chevaliers de son temps.

Comme la nacelle touchait à la rive, la fille du roi, belle et avenante, y vint prendre le frais et s’ébattre avec ses compagnes. Elle approcha de la barque et fut grandement surprise d’y trouver un homme nu et endormi. En voyant la plaie qui lui rongeait le haut de l’épaule : « Voyez, » dit-elle, « la pâleur et la maigreur de cet homme ; comment n’est-il pas mort d’une aussi cruelle blessure ? En vérité, c’eût été grand dommage ; malgré sa