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LE SAINT-GRAAL.

laissé entre eux les deux Joseph. « Pourquoi ne m’assoirais-je pas là ? » se dit-il ; « j’en suis aussi digne que personne. » Cependant Josephe avait posé devant lui le Graal, qu’une toile recouvrait des trois côtés opposés à son visage ; il sentit l’arrivée de la grâce, et tous les chrétiens assis ne tardèrent pas à la partager et à la savourer dans un respectueux silence.

Moïse avança d’un pas : comme il se disposait à prendre le siége vide, Josephe le regarda avec une surprise partagée par les autres chrétiens que leurs péchés privaient de la grâce. Ceux qui étaient assis virent alors trois mains sortir d’un blanc nuage, ondoyant comme un drap mouillé ; l’une de ces mains prit Moïse par les cheveux, les deux autres par les bras ; ainsi fut-il soulevé en haut : alors, tout à coup, entouré de flammes dévorantes, il fut transporté loin de la vue des convives. L’histoire dit qu’il fut conduit dans la forêt d’Arnantes (ou Darnantes), et que son corps y demeura au milieu des flammes, sans en être consumé.

Le châtiment de Moïse ne troubla pas le bonheur dont jouissaient les convives, au nombre de soixante-dix. À l’heure de tierce, dès qu’ils revinrent à eux-mêmes, ils ne manquèrent pas, en se levant, de demander à Josephe ce que Moïse était devenu. « Ne m’interrogez pas ; vous le saurez plus tard. — Au moins, » dit