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LE SAINT-GRAAL.

suivre son coupable exemple. Les douze prêtres voulurent résister : on les saisit, on les attacha à la grande croix que Josephe avait fait élever près de la ville ; ils furent battus de verges, puis lapidés par les mêmes gens qui, peu de temps auparavant, avaient confessé la religion nouvelle. Ce crime ne pouvait rester impuni. Comme il revenait de couvrir de boue la croix nouvelle, Avred rencontra sur son chemin sa femme, son fils et son frère : aussitôt, saisi d’une fureur infernale, il se jeta sur eux et les étrangla tous trois, en dépit des efforts du peuple pour les arracher de ses mains. Puis, courant comme un forcené parmi les rues, il arriva devant un four nouvellement allumé et s’élança dans le brasier ardent, qui réduisit en cendres son corps maudit. Effrayés de ce qu’ils venaient de voir, les gens de Kamaloth ne doutèrent plus du pouvoir du Dieu des chrétiens, et s’empressèrent d’envoyer des messagers à Josephe pour le prier de leur pardonner et de les relever de leur apostasie. Josephe revint donc sur ses pas, les arrosa tous d’eau bénite, reçut de nouveau leur promesse de vivre et mourir chrétiens, et, jetant les yeux sur la croix encore souillée du sang des douze martyrs et de la boue qu’on leur avait jetée : « Cette croix, » dit-il, « sera désormais appelée la Croix Noire, en souvenir de la noire trahison d’Avred le Roux. »