Page:Paris, Paulin - Romans de la Table Ronde, tome 1.djvu/303

Cette page a été validée par deux contributeurs.
297
HISTOIRE DE GRIMAUD.

sans éprouver le désir d’en être aimée ; et tout porte à croire que Grimaud eut répondu volontiers à ce qu’elle attendait de lui, s’il ne se fût souvenu qu’il venait de lui servir de parrain. Voici comment elle lui raconta son histoire.

« Parrain, » — dit-elle, « mon père, le roi Résus, était allé visiter un de ses frères en Arphanie, quand il survint dans notre terre d’Arcoménie une grande flotte de gens de Cornouaille, sortis de la race des géants. On ne leur opposa pas de résistance. Tharus, un d’entre eux, m’ayant aperçue sur le bord de la mer comme je m’ébattais avec mes compagnes, m’enleva, et, charmé de ma beauté, de ma jeunesse, me conduisit bientôt dans cette île Onagrine dont il avait hérité après la mort de son oncle, vaincu et tué par le duc Nascien d’Orbérique[1]. Il fallut me résigner à lui servir de concubine, et à feindre des sentiments bien opposés à ceux que j’avais réellement. Car, on le dit en commun proverbe : Souvent déchausse-t-on le pied qu’on aimerait mieux trancher. Vous m’avez délivrée de ce tyran détesté ; mais maintenant que vais-je devenir ? Comment retourner vers mon père, qui ne me pardonnera pas d’avoir quitté le

  1. Voyez plus haut, page 274.