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LE SAINT-GRAAL.

tout ce qu’il avait fait. « Quelle était donc ton intention, traître roux ? — De tuer tous les marchands, d’emporter ce qu’ils possédaient, et de passer en terres lointaines avec la dame qui m’avait donné son amour. »

« — Je te sais bon gré de tes aveux, » reprit le châtelain, « mais dis-moi, le maître et la dame de la maison savaient-ils et approuvaient-ils ce que tu entendais faire ? — Ni l’un ni l’autre, » dit le clerc. « Il n’y a pas au monde de meilleur homme que le mari ; quant à sa femme, elle a mis tout en usage pour me détourner de mes projets. Je fus même obligé de la menacer de mort si elle en parlait à personne ; et c’est pour avoir, en se retirant, poussé de grands gémissements, que l’éveil fut donné et que les cris me forcèrent à prendre la fuite.

« Il ne reste plus, » dit le châtelain, « qu’à faire bonne justice. » On amena un roncin vigoureux ; le clerc fut étroitement lié à la queue, traîné par les rues de la ville et à travers champs, jusqu’à ce que ses membres, détachés l’un après l’autre, fussent jetés et dispersés çà et là. Quant à la dame, elle fut enfermée dans une tour pour le reste de ses jours. Le prud’homme conserva le bon renom qu’il méritait ; on enterra les trois marchands tués, on pansa ou guérit les autres ; et, comme