Page:Paris, Paulin - Romans de la Table Ronde, tome 1.djvu/285

Cette page a été validée par deux contributeurs.
279
LE ROI MEHAIGNIÉ.

tête et les épaules en avant : il se relève, et tout aussitôt sent dans tous ses membres un tremblement, un frisson qui devait l’avertir de son imprudence. Mais il ne put se décider à faire un mouvement en arrière. Il portait même la tête plus en avant, quand une voix terrible sortant d’une nuée flamboyante : « Après mon courroux, ma vengeance. Tu as été contre mes commandements et mes défenses ; tu n’étais pas encore digne de voir si clairement mes secrets et mes mystères. Résigne-toi donc à demeurer paralysé de tous les membres, jusqu’à l’arrivée du dernier et du meilleur des preux, qui, en te prenant dans ses bras, te remettra dans l’état où tu avais été jusqu’à présent. »

La voix cessa, et Mordrain tomba lourdement comme une masse de plomb : de tous ses membres il ne conserva que l’usage de la langue, et ne put de lui-même faire le moindre mouvement. Les premières paroles qu’il prononça furent : « Ô mon Dieu ! soyez adoré ! Je vous remercie de m’avoir frappé ; j’ai mérité votre courroux pour avoir osé surprendre vos secrets. »

Les deux Joseph, Nascien, Ganor, Célidoine, Bron et Pierre, entourant alors le roi, le saisirent et l’emportèrent sur son lit, non sans pleurer en voyant son corps devenu mou et flasque, comme le ventre d’une bête