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préféraient au tableau des combats et des luttes de la baronnie française le récit des anciennes aventures dont l’amour avait été l’occasion, ou qui justifiaient les superstitions inutilement combattues par le christianisme. Les formes mélodieuses de la poésie bretonne retentirent dans le lointain, et ne tardèrent pas à charmer les Français de nos autres provinces : les harpeurs furent accueillis en-dehors de la Bretagne ; puis on voulut savoir le sujet des chants qu’on aimait à écouter ; peu à peu, les jongleurs français en firent leur profit et comprirent l’intérêt qui pouvait s’attacher à ces lais de Tristan, d’Orphée, de Pirame et Tisbé, de Gorion, de Graelent, d’Ignaurès, de Lanval, etc. On traitait bien, en France, tout cela de fables et de contes inventés à plaisir ; longtemps on se garda de les mettre en parallèle avec les Chansons de geste, cette grande et vigoureuse expression de l’ancienne société franque ; mais cependant on écoutait les fables bretonnes, et les gestes perdaient chaque jour le terrain que les lais et récits bretons gagnaient, en s’insinuant dans la société du moyen âge. Grâce à cette influence, les mœurs devenaient plus douces, les sentiments plus tendres, les caractères plus humains. On donnait une préférence chaque jour plus marquée sur le récit des querelles féodales, des guerres soutenues contre les Maures qui ne