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HISTOIRE D’IPOCRAS.

courut, essaya d’aspirer quelques gouttes de cette eau, mais en vain ; la fièvre, une soif ardente le saisit : et quand il sentit qu’il n’avait plus que quelques instants à vivre, il fit approcher le roi et lui dit : « Sire, je ne devais avoir confiance en aucune femme, je meurs par ma faute. — Ne connaissez-vous, » dit Antoine, « aucun remède ? — Il y en a bien un ; ce serait une grande table de marbre qu’une femme entièrement nue parviendrait à chauffer au point de la rendre brûlante. — Eh bien ! faisons l’essai, et, puisque votre femme est la cause de votre mort, c’est elle que nous étendrons sur le marbre. — Oh ! non, » dit Ipocras, « elle en pourrait mourir. — Comment ! » reprit le roi, « je ne vous comprends pas. Vous craignez pour la vie de celle qui vous donne la mort ! Tout le monde doit la haïr, et vous l’aimez encore ! Oh ! que c’est bien là nature d’homme et de femme ! Plus nous les aimons, plus nous plions devant leurs volontés, et plus elles se donnent de mal afin de nous perdre. » Mais Ipocras parlait ainsi pour mieux assurer sa vengeance. La dame fut donc étendue sur le marbre, et, le froid de la pierre la gagnant peu à peu, elle mourut dans de cruelles angoisses, une heure avant Ipocras, qui ne put s’empêcher de dire : « Elle voulait ma mort, elle ne l’a pas vue, je vivrai plus qu’elle. Je de-