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LE SAINT-GRAAL.

Tu as renoncé à toutes les joies, à tous les plaisirs ; souviens-toi des épouvantes de ton palais : Séraphe, ton serourge, en a perdu le sens et n’a plus que quelques jours à vivre. — Quoi ! sauriez-vous d’aussi tristes nouvelles de Nascien ? — Oui, je les sais ; à l’instant même où tu fus enlevé, il a été mortellement frappé : il me serait pourtant aisé de te rendre tes domaines et ta couronne ; il te suffirait de venir avec moi, pour éviter de mourir ici de faim. Je connais bien celui qui prétendait faire de noir blanc, et d’un méchant un prud’homme : c’est un enchanteur. Jadis il fut amoureux de moi : je ne l’écoutai pas, et sa jalousie lui fait chercher les moyens de priver mes amis des plaisirs que je leur offre. » Ces paroles firent une grande impression sur Mordrain ; en la voyant instruite de ce qui lui était arrivé, il ne pouvait se défendre de croire un peu ce qu’elle annonçait. « Qu’as-tu donc à rêver ? » lui dit encore la dame, « approche et laisse-toi conduire dans un lieu où tes vrais amis t’attendent. Mais hâte-toi, car je m’en vais. » Mordrain ne trouvait rien à répondre, n’osant ni résister ni condescendre à ce qu’elle lui demandait. Cependant la dame leva l’ancre et s’éloigna, disant à demi-voix : « Le meilleur arbre est celui qui porte des fruits tardifs. » Ces mots tirèrent