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VOYAGE DE MORDRAIN.

de la fleur de lis, et au-dessus de la nef était dressée une croix vermeille. Quand elle eut touché la roche, un nuage de délicieuses odeurs se répandit à l’entour et parvint jusqu’à Mordrain, déjà rassuré par la vue de la croix. Un homme de la plus excellente beauté se leva dans la nef, et demanda au roi qui il était, d’où il venait, et comment il se trouvait là. « Je suis chrétien, » répondit Mordrain, « mais j’ignore comment je me trouve ici ; et vous, beau voyageur, vous plairait-il de m’apprendre ce que vous êtes et ce que vous savez faire ? — Je suis, » répondit l’inconnu, « menestrel d’un métier qui n’a pas son pareil. Je sais faire d’une femme laide et d’un homme laid la plus belle des femmes et le plus beau des hommes. Tout ce que l’on sait, on l’apprend de moi ; je donne au pauvre la richesse, la sagesse au fou, la puissance au faible. » — « Voilà, » dit Mordrain, « d’admirables secrets ; mais ne me direz-vous pas qui vous êtes ? » — « Qui veut justement m’appeler me nomme Tout en tout. » — « C’est, » dit Mordrain, « un beau nom ; bien plus, il me semble par le signe dont votre nef est parée que vous êtes chrétien. — « Vous dites vrai, sachez que sans cela il n’y a pas d’œuvre parfaitement bonne. Ce signe vous assure contre tous les maux ;