Page:Paris, Paulin - Romans de la Table Ronde, tome 1.djvu/182

Cette page a été validée par deux contributeurs.
176
LE SAINT-GRAAL.

pour garder le saint vase ; qu’il serait ordonné prêtre de la main de Jésus-Christ ; qu’il aurait le pouvoir de transmettre le sacerdoce à ceux qu’il en jugerait dignes, comme ceux-ci le transmettraient à leur tour, dans les contrées où Dieu les établirait[1].

Le Saint-Esprit dit à Joseph : « Quand l’aube prochaine éclairera l’arche, quand tes soixante-cinq compagnons auront fait leurs génuflexions devant elle, je prendrai ton fils, je l’ordonnerai prêtre, je lui donnerai ma chair et mon sang à garder. »

Et le lendemain, la même voix divine, parlant

  1. « Cil qui tel ordre auront, des ores en avant le rechevront de Josephe par toutes les terres où je metrai et toi et ta semence. » Voilà le point où l’Église bretonne se séparait de l’Église catholique. Elle ne voulait pas que ses prélats reçussent leur consécration du Pape de Rome, et réclamait ce droit en faveur de l’archevêque d’York, élu lui-même par le peuple et le clergé breton. Mais cette prétention schismatique, ne menaçant pas d’être contagieuse et n’ayant pas empêché le souverain pontife, au moins à partir de la fin du dixième siècle, de présider au choix ou de sanctionner l’élection des prélats gallois et bretons, la cour de Rome, toujours sage et prudente, ne s’éleva pas contre l’exposition romanesque des origines de l’Église bretonne. Armée de l’incomparable autorité de l’Évangile : Tu es Petrus, et super hanc petram, etc., elle laissa dire les romanciers, et ne rechercha pas le livré latin sur lequel ils s’appuyaient sans en divulguer le texte original.