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AU SAINT-GRAAL.

pondit qu’il n’en ferait rien, qu’il était venu de par Dieu, et que de par Dieu seul il sortirait. J’entrai alors dans la chapelle, et la première chose que je vis sur l’autel fut le livre que je cherchais. J’en rendis grâce à Notre-Seigneur et le portai devant le forcené. Le diable alors se prit à hurler : « N’avance pas davantage, » criait-il, « je vois bien qu’il me faut partir ; mais je ne le puis, à cause du signe de la croix que tu as fait sur la bouche de cet homme. » — « Cherche, » répondis-je, « une autre issue. » Il s’échappa par le bas, en poussant des hurlements hideux, comme s’il eût renversé sur son passage tous les arbres de la forêt. Je pris alors entre mes bras le forcené, et le portai devant l’autel, où je le gardai toute la nuit. Le matin je lui demandai ce qu’il voulait manger. — « Ma nourriture ordinaire. — Et quelle est-elle ? — Des herbes, des racines, des fruits sauvages. Voilà trente-trois ans que je suis ermite, et depuis neuf ans je n’ai pas mangé autre chose. »

« Je le laissai, pour dire mes heures et chanter ma messe : quand je revins, il dormait ; je m’assis près de lui et je cédai au sommeil. Je crus voir en dormant un vieillard qui, passant devant moi, déposait pommes et poires dans mon giron. Je trouvai à mon réveil ce vieillard, qui en me donnant de ses fruits m’an-