Page:Paris, Paulin - Romans de la Table Ronde, tome 1.djvu/118

Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
LE LIVRE LATIN DU GRAAL.

Remarquons d’abord que l’imparfait esteit s’applique assez naturellement à un personnage défunt : d’où la conjecture, qu’au moment où Boron parlait ainsi, Gautier de Montbéliart avait cessé de vivre. Alors ne peut-on reconnaître dans en peis le synonyme du latin in pace, lu sur tant d’anciennes inscriptions funéraires ?[1] Je traduirais donc ainsi : « Au temps où je travaillais à ce livre avec feu monseigneur Gautier, de la maison de Montbéliart. »

Quelques mots maintenant sur ce dernier personnage, qui ne figure pas dans nos biographies dites universelles.

C’était le frère puîné du comte Richard de Montbéliart : il avait pris la croix au fameux tournoi d’Écry, en 1199. Mais, au lieu de suivre les croisés devant Zara et Constantinople, il les avait devancés pour accompagner son parent Gautier de Brienne en Sicile. Joffroy de Villehardoin, le grand historien de la quatrième croisade, revenant de Venise en France pour y rendre compte du traité conclu avec les Vénitiens, avait rencontré, en passant le mont Cé-

  1. Voyez dans le précieux Dictionnaire des Antiquités chrétiennes de l’abbé Martigny, l’article In pace, mot que bon nombre d’épitaphes portent simplement, sans l’addition de requiescat : Urse in paceAchillen in pace ; — Victori, — Donati, in pace.