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INTRODUCTION.

une sorte de curiosité respectueuse que parmi les bardes du pays de Galles. Peut-être même n’en aurait-on jamais parlé, sans les luttes de la papauté et de Henri II, sans le désir qu’eut un instant ce prince de rompre entièrement avec l’Église romaine.

L’auteur du Liber Gradalis avait rapporté sa vision à l’année 717. J’aurai bien étonné ceux qui ont jusqu’à présent étudié le roman du Saint-Graal, en avouant que cette date ne me semble pas chimérique, et que je la trouve même en assez bon accord avec la disposition d’esprit où pouvaient et devaient être les Bretons du huitième siècle. Ils avaient cessé de voir dans les deux Cadwallad et dans Alain les libérateurs prédestinés de la Bretagne : mais, bien que la tradition religieuse ne fût plus, dans leur imagination, liée aux aspirations patriotiques, la légende de Joseph était demeurée chère à tous ceux qui tenaient encore à la liturgie nationale. D’ailleurs ils s’étaient résignés à souffrir pour voisins les Anglo-Saxons, qu’ils ne voulaient pas avoir pour maîtres. Les leçons du Gradale ne faisaient plus mention de ces vieux ennemis de la race bretonne ; elles ne présentaient plus ces noms mystérieux de Galaad et du Roi pécheur comme le reflet, le dernier écho des espérances patriotiques longtemps fondées sur les rois Cad-