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préoccupés du devoir de dire et de répandre la vérité, le mieux placé pour l’avoir bien connue. Sa profession n’avoit rien d’incertain ni d’équivoque aux yeux de personne. Il étoit historien suivant les cours, les camps, les cérémonies. Chacun le reconnoissoit pour tel et se faisoit un plaisir, un devoir de le mettre au courant de ce qu’il savoit, et de répondre à ses avides interrogations. Toute la vie de Froissart se résume en quatre mots : voyager, regarder, enquerre et coucher par écrit. On seroit bien en droit de l’accuser de prévention et de partialité s’il s’étoit attaché aux mêmes lieux, s’il avoit reçu les confidences d’un seul parti, s’il n’avoit entendu qu’une seule cloche ; il en fut tout autrement. Froissart vécut dans la familiarité des souverains et des grands capitaines de France et d’Angleterre ; c’est en passant des hôtels de la reine d’Angleterre, des rois Jean et Charles de France, à ceux de Jean de Bohême, des Douglas d’Écosse, de Gaston Phœbus de Béarn, de Wenceslas de Brabant, de Guy de Blois, de Robert de Namur, qu’il écrivit, qu’il composa le texte dont l’imprimerie a reproduit l’ensemble. Le véritable défaut qu’on seroit en droit de reprocher à cet excellent homme, c’est d’avoir trop vu tout en beau, c’est de n’avoir pas de revers à sa médaille. Mais Froissart, chose merveilleuse ! n’avoit eu, pour ainsi dire, dans toute sa vie à se plaindre de personne ; comment auroit-il dit beaucoup de mal de quelqu’un ? Il prit donc pour règle de conduite les vers suivants de son poëte favori, le roi Adenès :

De cele volonté jà ne me partirai,
Se Dieu plest et ses sains, tant com je viverai ;
Ce est que des preudons volentiers parlerai,
Se d’eus sai aucun bien, je le recorderai ;
Se de nului sai mal, trestout coi m’en tairai.
Ainsi le doit-on faire et ainsi le ferai.

Il ne faut donc pas demander à Froissart d’être l’arbitre ou le censeur des querelles dont il raconte les effets ; il ne