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de Namur que nous devons, sinon la Chronique des dernières années du quatorzième siècle, au moins le grand remaniement de la première partie. En se fondant sur le livre de Jean le Bel, qui embrassoit l’histoire du commencement de la grande guerre, de 1326 à 1355 et même au delà, Froissart rendit le récit plus net, plus coloré, plus exact ; il y ajouta, il y retrancha, il discuta même parfois les faits qu’il ne pouvoit admettre, tels que les dernières circonstances de la folle passion d’Édouard pour la belle et sage comtesse de Salisbury. Pour se rendre compte des remaniements de Froissart, on peut consulter la curieuse publication d’une partie de la Chronique originale de Jean le Bel, heureusement retrouvée par le savant archiviste, directeur de l’Université de Liége, M. L. Polain.

On avoit pensé reconnoître la première rédaction du premier livre de Froissart dans quelques leçons qui présentoient effectivement de nombreuses différences avec la rédaction définitive et consacrée. M. Buchon avoit, à ce titre, signalé un manuscrit de la bibliothèque de Valenciennes, tandis que le docteur Rigollot, mort correspondant de l’Académie des inscriptions, croyoit pouvoir attribuer une certaine antériorité au manuscrit de la bibliothèque d’Amiens. Un examen approfondi ne justifie pas cette double allégation.

Dans la leçon de Valenciennes, publiée par M. Buchon, le titre de prêtre que prend Froissart, les allusions à la mort de la reine d’Angleterre, en 1369, et à celle du prince de Galles, en 1373, ne permettent pas d’admettre que l’œuvre ait été présentée à la reine d’Angleterre en 1360. Tout au plus seroit-il permis d’y voir un premier essai de la seconde rédaction, qui, dans tous les cas, ne pourroit remonter plus haut que l’année 1374.

Les différences importantes et nombreuses que présente le manuscrit d’Amiens s’expliquent naturellement, sans avoir besoin de les attribuer à une antériorité de rédaction. Froissart, devenu curé de Lessines, et déjà bien connu pour l’auteur des Chroniques de France et d’Angleterre, recevoit souvent la