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oyoient et véoient voulentiers et me faisoient grant prouffit. Ainsi, au titre de la bonne dame et à ses coustaiges, et aus coustaiges des haus seigneurs de mon temps, je cherchay la plus grant partie de la crestienté ; et par tout où je venoie, je faisoie enqueste aus anciens chevaliers et escuyers qui avoient esté es fais d’armes et qui proprement en sçavoient parler, et aussi à aucuns heraus de credence, pour justifier et verifier toutes matieres. Ainsy ai-je rassemblé la grant et noble histoire et matiere, et le gentil comte de Blois y a rendu grant peine. Tant com je viveray par la grace de Dieu, je la continueray : car com plus y sui, plus y laboure, et plus me plaist. Car ainsi comme le gentil chevalier et escuyer qui aime les armes, et en perseverant s’y nourrit parfait, ensi, en labourant et ouvrant sur cette matière, je m’habilite et delite. »


Quand Froissart s’étoit mis à t’œuvre, en 1357 ou 1358, l’Europe étoit encore sous l’impression de la grande bataille de Poitiers. Édouard III, roi d’Angleterre, avoit épousé la fille du comte de Haynaut, et cette province inféodée en partie à la France, et en partie à l’Empire, s’étoit partagée assez également entre la cause de Jean de France et celle d’Édouard d’Angleterre. À vrai dire, Froissart n’avoit pas ce que nous appellerions aujourd’hui une opinion politique, et sans doute il comprenoit que l’on suivît honorablement sous l’une ou l’autre bannière. Je crois qu’il aimoit mieux la nation françoise, mais il avoit plus d’inclination pour la famille royale d’Angleterre. Voilà comment il eut tout de suite la pensée de présenter à la cour de Windsor le récit qu’il vouloit écrire en 1357, des grands événements contemporains si glorieux pour l’Angleterre. Et quand le livre fut achevé, mis en lettres de forme, serré dans une belle couverture de velours à clous dorés, il partit de Valenciennes, traversa Saint-Omer et s’embarqua à Calais. Il demeura cinq ans en Angleterre où la reine le retint à son hôtel avec le titre de son ditteur et historien. Tous les