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Angleterre le livre tout compilé, si comme je fis, et le presentai adoncques à treshaulte et tresnoble dame madame Phelipe de Hainaut, royne d’Angleterre, qui liement le receut de moy et m’en fit grant prouffit. »


Suivant M. Kervyn de Lettenhove, par ces mots : Je empris, moy issus de l’escole, à rimer et à dittier les guerres, il ne faut entendre qu’un recueil de poésies tout au plus historiques ; le mot dittier n’ayant jamais, dans notre auteur, un autre sens que celui de rimer, versifier. Ici M. Kervyn ne s’est pas souvenu des Chroniques qu’il connoissoit d’ailleurs si bien. L’expression dittier des histoires s’y retrouve plus de dix fois : Je qui ay dittié ceste histoire (t. II, p. 447). Je qui ay dittié ceste histoire, fui à Lescluse… pour les seigneurs veoir et apprendre des nouvelles (t. II, p. 531). Et en ce temps, je, sire Jehan Froissart qui me suis ensoigné et occupé de dittier et escrire ceste histoire (t. II, p. 688). Etc. L’observation de M. Kervyn de Lettenhove tombe donc d’elle-même, et il reste démontré qu’une première rédaction des Chroniques comprenant les années 1356 à 1360, fut faite et présentée à la reine Philippe en 1360 ou 1361, époque du premier voyage de Froissart en Angleterre.

Voyons maintenant, dans le paragraphe suivant, la preuve que cette première rédaction n’est pas celle que nous possédons aujourd’hui, et comment elle fut corrigée et refaite :


« Or puet estre que ce livre (présenté à la Reine) n’est mie examiné ne ordonné si justement que telle chose requiert. Car fais d’armes qui si chierement sont comparez doivent estre donnez et loyalement departis à ceus qui par prouesse y travaillent. Dont, pour moy acquiter envers tous, ainsi que droit est, j’ay empris ceste histoire à poursuir, sur l’ordonance et fondacion devant dicte, à la priere et requeste d’un mien chier seigneur et maistre, monseigneur Robert de Namur, seigneur de Beaufort, à qui je vueil devoir