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d’être amoureux et joli, c’est-à-dire courtois et enjoué. C’est là, je crois, un précepte dont le fond n’a guère moins changé que la forme, et qui ne tient pas grande place dans nos programmes d’éducation. Il y a dans la littérature provençale un traité de grammaire enseignant la façon de bien parler et de faire des vers en toutes mesures ; le livre est intitulé : Ley d’amor, ce qui signifie exactement Théorie de l’art de plaire et d’être aimable. Je doute que le bon Lhomond lui même se fût jamais avisé de donner à son fameux rudiment un pareil titre.

« Quand, dit Froissart, arrivoit le temps d’hiver, qui ne me laissoit plus le choix des ébats, mon plaisir étoit de lire romans et traités amoureux. C’est à ce goût des livres d’amour que je dois tout ce que j’ai valu et fait de bien. Ils m’ont inspiré la première pensée de la grande œuvre que j’ai commencée et qui m’a déjà fait obtenir l’estime des plus hautes gens du monde. » Froissart dit cela en assez méchants vers ; mais ces vers ont le mérite de nous apprendre qu’il connoissoit le prix de ses chroniques, car c’est bien d’elles qu’il veut ici parler.

Dans ce même poëme de l’Espinette amoureuse il place une fiction vraiment digne de l’auteur du Roman de la Rose. Comme un jour le jeune Jehan s’étoit endormi à l’ombre d’une aubépine fleurie, voilà que devant lui se présentent les trois dames qui

D’armes, d’amour et de richesses
Sont les primeraines déesses.

Junon, Pallas et Vénus étoient accompagnées de Mercurius ; et le dieu se chargea d’inviter Jehan à vouloir bien examiner en dernier ressort le fameux jugement autrefois rendu sur le mont Ida par le fils de Priam. Jehan, troublé et confus, s’en défendit quelque temps, mais enfin il fallut souscrire à ce qu’on lui demandoit, il déclara que le jugement ne devoit pas être réformé. Car, ajouta-t-il, Paris, étant fils de roi, n’avoit pas besoin des richesses de Junon ; son cœur, naturellement