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Il y avoit des pucelletes
Qui de mon tems erent jonettes.
Et je come elles jouvenceaus ;
Si les servoie d’espinceaus,
Ou d’une pomme ou d’une poire,
Ou d’un seul anelet de voire ;
Et lors devisoie à par mi :
Quant dont vendra le temps, por mi
Que par amours porai amer !
L’en ne me doit mie blasmer…
Si, passoie ensi mon jouvent.

Il s’abandonne avec une grâce charmante au souvenir de ses premiers jeux, à peu près les mêmes qu’aujourd’hui ceux des enfants de la campagne, jeux dont le souvenir commence la longue série des regrets de l’âge mûr. Pendant les jours de pluie, aussi fréquents à Valenciennes que nulle autre part, il alloit mettre des digues à l’écoulement des eaux, dans les rues ; ou bien il faisoit des poulettes en papier, trempoit dans l’eau son chaperon, sa cotte et sa chemise ; lançoit des plumes au vent, remplissoit curieusement son giron de petits cailloux, alloit couper des épis pour en faire des pipeaux, poursuivoit les papillons,

Et quant attraper les pooie
D’un fileçon je les lioie,
Et puis si les laissoie aler,
Ou je les faisoie voler.

Au lieu de jouer aux échecs ou aux dames, l’enfant pétrissoit des gâteaux, des flaons, des tartelettes en terre, qu’il faisoit cuire entre quatre tuillots transformés en four. Il jouoit à pince-merine, sorte de main-chaude, que Rabelais nomme pince-morille, la queue leu-leu, aux pierrettes, au pince-sans-rire, au cheval de bois, aux barres, à l’avoine, à cache-cache, au deviner, à saute-mulet, à la climusette, à piquer les