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dans la ville sainte. Voilà pourquoi les jongleurs de la génération suivante avaient pu négliger de chanter ces treize couplets dont ils n’avaient pas la conclusion, et voilà pourquoi, de son côté, Graindor ne les aurait pas renouvelés. Ainsi, le nom de Chanson d’Antioche fut acquis à l’œuvre qui, dans la pensée de son auteur, aurait apparemment dû s’appeler la Chanson d’Antioche et de Jérusalem.

Des critiques, dont l’autorité est grande à mes yeux, ont, je le sais, refusé de rapporter ces treize couplets à la composition originale; par la raison que, tout en conservant encore l’assonance, la versification ne leur semblait pas appartenir aux premières années du douzième siècle. Cette raison ne m’a pas semblé péremptoire. On doit s’attendre à voir, dans les transcriptions d’anciens poëmes, exécutées aux époques de la rime exacte, un rajeunissement que les copistes jugeaient alors indispensable. Si l’ancien texte de la Chanson de Roncevaux ne nous avait été transmis que par des jongleurs du treizième siècle, nous ne l’aurions pas assurément telle qu’on l’a retrouvée dans le manuscrit d’Oxford; et peut-être ce précieux manuscrit d’Oxford avait-il déjà modifié le texte plus ancien que son copiste avait reproduit. Personne, en ces temps-là, ne devinait l’intérêt que devait, plus tard, offrir aux philologues la reproduction rigoureuse d’un texte suranné ; et quand le transcripteur n’allait pas jusqu’à substituer la rime à l’assonance, il remplaçait au moins les mots vieillis par ceux que l’usage avait depuis consacrés, et personne ne songeait à lui en savoir mauvais gré.

Mais pour ce qui touche à nos treize derniers couplets, s’ils n’avaient pas appartenu à l’ancienne chanson, comment le dernier de ceux que Graindor a renouvelés répondrait-il exactement au premier de ceux qui ne l’ont pas été ? Il s’agit, dans les vers de Graindor, de la mort et des obsèques d’Aïmer ou Adhémar de Monteil, l’illustre évêque du Puy :

De l’esveque du puy vous dirai verité :
Sovent lor fait sermon et a admonesté