Page:Paris, Paulin - Nouvelle étude sur la Chanson d’Antioche.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 49 —

enregistrés, il est assurément permis de compter les chansons populaires que débitaient les jongleurs. Et l’on aperçoit tant de points de ressemblance entre le début de son histoire et la geste des Chétifs, que le latiniste est peut-être justement soupçonné d’avoir emprunté au chanteur vulgaire tout ce qu’il nous dit des campagnes de Pierre l’Ermite et de Godescale. La Chanson des Chétifs avait dû suivre d’assez près celle d’Antioche, puisqu’elle eut également besoin d’être renouvelée ; et le chanoine d’Aix n’ayant pu guère achever son livre avant l’année 1125, rien n’empêche d’admettre que plusieurs chansons de la Croisade l’eussent gagné de vitesse.

Mais que le premier thème de Tudebode, ajouté longtemps après les autres, ait été le guide d’Albert d’Aix pour ce qui touche aux préliminaires de la Croisade ; qu’Albert ait au contraire fourni à l’auteur de ce thème ou à la Chanson des Chétifs ce qu’ils rapportent de concert sur ces préliminaires, nous n’avons pas à le discuter. Le seul point hors de doute, c’est qu’Albert soit devenu pour cette partie le guide de Guillaume de Tyr. Mais il faut accepter avec une grande réserve tout ce qu’il ajoute aux récits de Tudebode, de Foucher de Chartres, de Raimond d’Aguilers et de Raoul de Caen, surtout quand ces additions ont un caractère romanesque. J’en ai déjà signalé de nombreux exemples : je veux seulement m’inscrire ici contre la sûreté de sa topographie. Il est en effet bien peu de localités signalées par lui seul qu’on puisse reconnaître aujourd’hui. Comme il en avait donné les noms et indiqué la situation, sans avoir eu besoin de quitter son église d’Aix, nous avons le droit d’en contester la parfaite exactitude. Tel est ce château de Ciperon, résidence du roi de Hongrie où Godefroy de Bouillon est royalement reçu. Telles sont, dans l’Asie Mineure, ces grandes villes de Stancone et de Reclei. J’accorde aujourd’hui bien volontiers que ces deux villes n’aient pas dû leur existence à un vers malentendu de Richard le pèlerin, il n’en est pas moins difficile de les retrouver dans le voisinage de la mer et sur la route qui conduisait à Tarse. Quel est encore ce nom vul-