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parmi les chefs de la Croisade un de ceux qui se montrèrent les plus irrités contre l’empereur Alexis. Une tradition de bienveillance répandue en Flandres depuis quinze ans, à l’égard d’Estatin l’Esnasé, est donc une supposition aussi hardie qu’invraisemblable.

Nos lecteurs me pardonneront de ne pas pousser au delà cette comparaison des textes que je pourrais continuer avec le même avantage. J’aurais la même facilité de démontrer que toutes les concordances de M. Pigeonneau sont autant de discordances. Je vais seulement opposer au résumé de fantaisie de notre contradicteur (p. 327) celui que j’ai le droit d’en appeler le contre-pied.

Le nom des chefs campés autour des murs de Nicée n’est pas le même dans les deux ouvrages. Sur cinquante noms, il y en a vingt-cinq de substitués par Albert à ceux que nous trouvons dans l’Antioche ; l’ordre des places qui leur sont départies autour de la ville est absolument différent dans les deux récits.

Ce qui touche aux espions, chargés par Soliman d’aller parler aux assiégés, offre un autre contraste. Chez Richard, c’est un drogman, renégat chrétien, qui accomplit son message et qui, surpris au retour par Bohemond, est aussitôt mis à mort.

Mains et piés li lierent, sur l’engin fu levés,
Devant la tour de Nique entre tous est getés.
(P. 106.)

Dans Albert d’Aix il y a deux messagers. Nos gens les saisissent avant qu’ils soient arrivés devant les murs. L’un est aussitôt immolé ; l’autre, conduit devant les barons, leur apprend que Soliman se propose d’attaquer les Croisés au point du jour, et demande en pleurant le baptême. Les barons attendris lui conservent la vie, et le lendemain il trouve moyen de s’échapper.

Les circonstances de la bataille livrée à Soliman sont également au-dessus de tout soupçon d’imitation, et Richard a