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« Dame, ce dist li Cuens, tenés, je vos afie,
« Si tost com au Sepucre iert m’ofrande coucie,
« Et je l’aurai baisié et m’orison fenie,
« Dedeus les quinze jors vos afi, sans boisdie,
« Me metrai el retour, se Deus me done vie. »
La dame tent sa main et li Cuens li afie.

Les adieux des dames et des vieillards qui restent ne sont pas moins touchants ni moins heureusement exprimés. Telle est, suivant M. Pigeonneau, la troisième concordance entre Albert d’Aix et notre trouvère. Voyons encore la quatrième :

4. Il s’étend plus longuement sur les démêlés des Francs avec l’Empereur, et son récit, bien qu’on retrouve quelques-unes des circonstances mentionnées par les historiens, s’en sépare complétement sur le rôle qu’il attribue à Estatin. »

Il serait assurément étrange qu’on n’eût pas retrouvé dans l’Antioche quelques-unes des circonstances mentionnées par les autres historiens. Mais puisqu’elle « s’en séparait complétement sur les autres points, en devait-on conclure que le trouvère n’avait rien dit qu’il n’eût emprunté aux autres sources ? Cependant comme Estatin l’Esnasé ou Tatixos, que tous les latinistes accusent à qui mieux mieux de trahison, est représenté par le seul Richard comme un modèle de prudhommie, M. Pigeonneau explique sans le moindre embarras ce contraste par les relations particulières de ce personnage avec les chevaliers des Flandres. Il avait été plus tard investi de la charge de grand primicier, et il avait commandé en Asie Mineure un corps de cinq cents chevaliers flamands envoyés par Robert de Flandres au secours d’Alexis.... C’était une tradition flamande.

Malheureusement il n’existe aucune trace de ces relations particulières d’Estatin avec les chevaliers de Flandres. On n’a jamais présenté ce Grec comme le chef des chevaliers aventuriers qui s’étaient, en 1085, arrêté dans Nicomédie alors menacée par le Soudan de Nicée. Le comte actuel Robert, successeur en 1087 de Robert le Frison, fut